Amorcer la confiance dans un accompagnement numérique avec Aidants Connect
Quels sont les constats ?
À l’origine, notre mission était de former les parents aux ENTs. Nous avons imaginé des permanences aux bourses et cantines pour “accrocher” les parents.
L’expérience a démontré que les parents se désintéressaient des ateliers ENTs même lorsqu’une relation de confiance était installée avec les médiateurs numériques, par le biais de ces permanences.
Celles-ci ont connu un grand succès car les usagers percevaient un intérêt direct sur leur pouvoir d’achat. Autrement dit, lorsque les usagers perçoivent un sens dans le numérique, ils y adhèrent. Cela signifie également qu’on ne peut pas préempter le désir ou le besoin de numérique.
Au centre de toutes ces questions : la notion de confiance dans le médiateur numérique.
À l’origine de ce projet, nous n’avions pas pensé à intégrer une dimension Aidants Connect. Mais, la directrice du collège a imposé que nos médiateurs numériques soient Aidants Connect.
Pourquoi inscrire cette obligation dans la convention ?
Du point de vue de la directrice, les permanences aux bourses et aux cantines correspondent à des problèmes causés par la numérisation des services publics.
Elle avait constaté une sursollicitation de ses équipes administratives qui, bienveillantes, faisaient à la place des personnes. Mais, d’une part, ce n’est pas leur métier et d’autre part les équipes administratives ne sont pas formées à la médiation numérique.
La directrice a participé à un webinaire sur Aidants Connect et appris l’existence de cet outil pour “faire à la place de”. Résultat, puisque nous lui proposons de faire des permanences et de remplacer ses équipes, elle exige que les médiateurs numériques soient habilités Aidants Connect. Ce qui est tout à fait logique, puisque Aidants Connect incarne pour elle un outil de l’État et donc un outil de confiance.
Qui sont ces médiateurs numériques ?
La Directrice, en tant que gardienne du service public se doit de s’assurer que les démarches administratives faites pour les usagers soient faites dans des conditions qui respectent un cadre légal d’action. Selon elle, la médiation numérique n’a pas de cadre légal d’action, mais le fait d’aider oui, en la personne d’Aidants Connect.
Les parents, surtout les mamans ici, sont rassuré(e)s à l’idée que le praticien ait une patente pour agir. En toute honnêteté, les parents ne sont pas guidés par une problématique de respect de l’usage qui est fait de leurs données, mais la perspective d’avoir de l’argent parce qu’ils n’ont pas accès à la démarche depuis qu’elle est numérisée.
Cela, bien qu’Aidants Connect ait été créé dans un contexte où des professionnels mettaient les identifiants et mots de passe dans des carnets papiers et où il fallait normaliser les pratiques des professionnels qui exercent des accompagnements.
Pourtant, au même titre que le téléphone n’a pas été créé par son inventeur pour discuter, notre utilisation d’Aidants Connect va être détournée pour favoriser un usage : la formation des parents par les médiateurs numériques.
Nos médiateurs numériques se sont donc badgés “Aidants Connect” et ont repris les permanences. Les parents ont eu confiance en eux parce qu’ils avaient la capacité à faire à leur place et qu’ils étaient, dans leur tête, assermentés. Mais dans un contexte où les médias véhiculent une certaine défiance vis-à-vis du numérique, l’existence d’un tiers de confiance est fondamentale.
En effet, ce n’est pas parce qu’on dit “il faut avoir confiance dans le numérique” que celle-ci va opérer spontanément. La rhétorique des risques (les écrans sont dangereux, les réseaux sociaux aussi; on peut vous arnaquer; vous cyber harceler; vous mentir) provoque des effets délétères, difficiles à comprendre car, au même titre que les fakes-news, ceux-ci se répandent plus vite qu’une information vraie.
Nos médiateurs numériques jouent donc le rôle de cardan de la confiance. Ils lient deux réalités : la réalité numérique et celle des usagers. Aidants Connect devient la face technique de la confiance et le médiateur la face humaine : le tiers de confiance.
Comment se sont déroulées les permanences ensuite ?
Les parents sont venus en pensant qu’on allait faire à leur place et que leur problème allait être résolu. La posture du médiateur a changé, il va faire preuve de mètis : il pose une série de questions pour savoir ce que la personne sait faire avec l’outil numérique, sans en avoir l’air il pose un diagnostic. Ensuite, il propose d’essayer, de manipuler et il encourage la personne : il redonne confiance :
-“Si vous voulez je vous emmène sur le site web
-Je ne sais pas faire
- D’accord, alors je vais cliquer pour vous mais je vous propose d’essayer, on pourra toujours recommencer.”
Il induit alors l’essai-erreur et l’idée que ce n’est pas grave, avec l’administratif on peut se tromper et recommencer.
De fil en aiguille, le médiateur numérique crée une récursivité du succès, chose compliquée. En effet, le médiateur numérique doit se projeter sur toute la procédure et séquencer avec précision tout ce qui paraît normal à tout un chacun. Le moindre clic, la moindre zone, le moindre texte de l’administration française doit être prévu et traduit dans sa tête en langage compréhensible par le commun des mortels.
Soudain, lorsque vient le moment de cliquer sur “valider”, il se passe plusieurs choses :
L’administration dit à la personne “je vous valide”. Cela veut dire beaucoup : “je suis considéré par l’administration française”.
“Je suis capable de faire” : le médiateur numérique fait empiler des petits succès qui font qu’à l’arrivée, l’usager acquiert confiance dans le numérique.
Aidants Connect est pour le médiateur numérique un “starter” de la relation : cela préempte une confiance puis la porte s’entrebâille et on se faufile pour donner aux gens du pouvoir d’agir.
Finalement, et cela peut paraître contre-intuitif, Aidants Connect devient un outil au service de la capacitation numérique par le détournement de son usage.
Mehdi SERDIDI, directeur de l'ASTS et Président de l'Association Hub Francil'In