Un patient informé, vaut mieux que deux connectés
Catherine est diabètique de type 1 depuis plus de 50 ans. Nous avons souhaité documenter son expérience avec le numérique dans le cadre du suivi de son traitement, tant les espoirs et les déboires quant à l’impact du déploiement de nouvelles technologies sur sa vie nous ont frappés et rythmé la vie du café pendant quelque temps.
Catherine, fiche d’identité :
59 ans
Diabétique de type 1 depuis l’âge de 3 ans et demi
Insulino-dépendante : Catherine est obligée de s’injecter quotidiennement de l’insuline pour réguler son taux de glycémie
Diplôme : Maitrise d’administration des PME-PMI et un peu de programmation (DEUST de TIC)
Aujourd’hui en invalidité à cause d’un rhumatisme qui vient d’une autre maladie auto-immune
Catherine, pourriez-vous décrire votre maladie et surtout votre traitement ?
Je suis diabétique de type 1 depuis que j’ai 3 ans. J’en ai 59 aujourd’hui. Cela signifie que depuis 56 ans, je dois m’injecter de l’insuline avant chaque repas pour éliminer les glucides en plus d’injections quotidiennes pour éliminer le sucre que le foie sécrète en continu pour alimenter le fonctionnement des organes, et notamment du cerveau, parfois en excès.
Comme mon corps ne se régule pas tout seul, j’ai pris l’habitude d’anticiper mes moments d’hypo ou d’hyperglycémie. En général, je mesure cette glycémie en me piquant légèrement le doigt afin d’en extraire une goutte de sang qui est analysée rapidement par un petit appareil dont je ne me sépare jamais.
Le diabète est un ennemi mortel, toujours à mes côtés. À court terme, je peux tomber dans le coma en cas de valeur extrême (trop haute ou trop basse) de ma glycémie. Ça m’est arrivé quand j’avais 5 ans, J’ai eu la chance que cela m’arrive à l'hôpital, j’ai pu être réanimée. À long terme, il y a des impacts aussi, notamment sur la vue et les reins.
Je me dois d’être active dans mon traitement, de bien connaître mon corps et comment il réagit à ce que je mange et ne mange pas.
Comment est-ce que les nouvelles technologies interviennent dans le traitement du diabète ?
J’ai toujours eu un rapport à la technologie dans le suivi de ma maladie. Ne serait-ce que me piquer régulièrement pour calculer mon taux de glycémie, c’est un geste technique.
Mais les évolutions ont récemment accéléré. Depuis 4 ans, j’ai un capteur de glycémie “intradermique” (c’est à dire en permanence dans la peau). Je peux obtenir mon taux de glycémie par Bluetooth, plus besoin de me faire saigner plusieurs fois par jour !
Puis cette année j’ai testé une pompe à insuline. Au lieu de m’injecter une dose par piqure, je n’ai qu’à mettre une cartouche d’insuline chaque semaine, et changer le cathéter tous les 3 jours. Il faut tout de même que j’informe la pompe de ce que je mange et de mes activités physiques et je décide de la dose d’insuline qui est diffusée.
Il y aurait une étape supplémentaire possible : une pompe en boucle fermée qui communiquerait avec le capteur de glycémie et calculerait elle-même la dose d’insuline à injecter, sur la base de renseignements au sujet de mes repas et mes activités physiques.
Est-ce que ces évolutions ont eu un impact sur vous ?
Je me suis toujours bien adaptée à ces changements. Mon lecteur de glycémie en bluetooth fait aussi lecteur de bandelettes, à l’ancienne. Ça me dépanne quand mon smartphone déconne. Mais il faut se méfier de la technique ! Par exemple, parfois il affiche un certain taux de glycémie, mais je connais mon corps, je sens bien que le taux n’est pas le bon. Alors je me pique pour vérifier et c’est moi qui ai raison ! C’est dangereux, parce que c’est en fonction de cette donnée qu’on calcule le taux d’insuline à injecter.
Pour la pompe, ça n’a pas vraiment fonctionné pour moi. Ma glycémie s’est mise à déconner alors qu’avant je la gérais très bien. À partir du moment où j’ai eu cette pompe, je me suis mis à surveiller mes données tout le temps, ça me faisait monter le stress, donc la glycémie. C’était sans fin ! J’ai même refait des malaises. Et puis à la différence de l’injection, la pompe diffuse de l’insuline en continue. Même si je lui demande d’arrêter, elle met 4h à stopper la diffusion. C’est trop pour moi. J’ai préféré arrêter. Le monsieur de la pompe a bien vu que je gérais bien mieux sans.
En fin de compte, mon état de santé moyen était meilleur (je suis passé de 7 à 6% d’hémoglobine glyquée), mais les écarts à la moyenne étaient trop importants et je ne veux pas faire d’hypoglycémie.
Au niveau du matériel et de la découverte de ces technologies, comment ça s’est passé ?
Cette fois-ci, c’était n’importe quoi.
Pour le matériel déjà. Avant j’avais un Xiami redmi note 9. Il fonctionnait très bien pour lire les données du capteur de glycémie en bluetooth. Mais ça n’a pas fonctionné avec l’application de la pompe connectée, alors que ma version d’androïd était bonne, j’avais vérifié.
Je suis venue au café et on a acheté un Samsung S20 avec Guillaume sur Back-Marcket. Mais ce n’est pas remboursé par la sécurité sociale ! Sans compter qu’il faut tout le temps recharger la batterie parce que tout est allumé en permanence : 4G, bluetooth, NFC, etc. Ça en fait des ondes.
Et puis pour l’utilisation aussi c’est compliqué. L’infirmière a mis plus de deux heures à l’installer. La pauvre, elle râle tout le temps qu’elle est infirmière et pas informaticienne. D’ailleurs, je serais incapable de tout réinstaller et paramètrer. Si mon téléphone tombait en panne ou qu’on me le volait, je serais vraiment embêtée !
Il y a un stage pour apprendre à utiliser la pompe. Mais personne ne m’a expliqué ce que c’était que le NFC. J’essayais de capter ma glycémie en bluetooth et ça ne marchait pas. C’est en montrant ça à Guillaume au café qu’on a compris et qu’on a tout mis en place.
Est-ce que ce serait plus indiqué pour d’autres types de patients à votre avis ?
Je ne sais pas franchement. C’est évident que pour des patients qui n’auraient pas mon histoire, l’expérience serait différente. Mais je pense qu’un diabètique doit être actif sur son traitement. Connaître sa maladie et comment la gérer. Le jour où ça tombe en rade, il faut savoir se piquer, contrôler son taux et s’injecter la bonne dose d’insuline.
Et puis je ne suis pas à l’aise avec toutes les données à fournir à l’application, avec la pompe en boucle fermée qui va décider de tout, la dose d’insuline à tel moment, la dose d’insuline avant le repas, le débit basal temporaire ; tout cela sous conditions de fournir toutes les informations qui modulent la dose d’insuline : quantités de glucides, activité sportive (y compris l’amour) si on fait la fête entre copains (signaler que l’on boit de l’alcool), vraiment tout ! Qui accède à ces données ? Je n’en sais rien.
Heureusement, le médecin m’a dit qu’on pouvait tricher en disant qu’on avait fait un footing plutôt qu’une bonne rencontre, remplacer l’alcool par une hypoglycémie suivie d’une hyper, etc. Il faut savoir ruser avec la technique, mais tout de même !
Propos recueillis par Alexandre Bigot-Verdier, Directeur de POP Café.
Un podcast sur le sujet est disponible : https://popcaf.lepodcast.fr/episode-1-numerique-et-sante